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Amédée VIII antipape savoyard !

Amédée VIII, alias Félix V, comte puis duc de Savoie, enfin pape (anti), savoyard !

On peut dire qu’il tombe à pic, Amédée VIII ! Alors que j’étais à la recherche d’un personnage savoyard remarquable, se présente sous ma plume le petit-fils du Comte Vert et fils du Rouge. À l’heure actuelle, le successeur du pape François n’est pas encore connu. Il sera choisi par le conclave entre le 5 et le 10 mai prochain. Quelle aubaine pour le chroniqueur que je suis !

On se souvient que François fut désigné alors que son prédécesseur Benoît XVI était toujours bien vivant. Cela rappelle l’élection du personnage qui nous occupe aujourd’hui : Félix V, élu en remplacement du souverain pontife Eugène V en 1439. Il exercera son pontificat jusqu’en 1449 et l’Église le qualifiera plus tard d’antipape, le dernier qu’elle reconnaîtra.

Pour mieux comprendre cet épisode particulier de l’histoire de la Maison de Savoie, il convient d’en retracer le contexte. Nous sommes encore pendant la guerre de 100 ans, Charles VII est roi de France pendant que Sigismond règne sur le Saint Empire Romain Germanique. Entre les deux, les états de Savoie, influents et respectés en Europe, gouvernés par une dynastie (rappelons-en le millénaire), qui a su tisser des liens, par les mariages et les alliances, avec des familles royales. Le souvenir des papes d’Avignon et du Grand Schisme d’Occident est encore vivace (fin en 1418).

Pour ce qui concerne la résidence des papes, les délocalisations n’étaient pas exceptionnelles. De même, les antipapes furent légion, le plus proche d’Amédée VIII fut Clément VII (Robert de Genève) en Avignon. On peut en dénombrer 44 selon l’Église catholique. Je précise que la nomination des papes était très dépendante des circonstances politiques et des princes régnants. Serait-ce encore le cas aujourd'hui ?

Revenons au personnage qui nous intéresse présentement. Amédée, fils du Comte Rouge, est né au château de Ripaille près de Thonon. La mort tragique et prématurée de son père le confronte dès sa jeunesse aux affaires publiques qu’il assumera parfaitement. Il devient comte à 8 ans, est marié à 10 ans à Marie de Bourgogne âgée de 7 ans (mais qui ne le rejoindra qu’à ses 18 ans). En 1416, l’empereur Sigismond, monarque du Saint Empire romain germanique, érige le comté de Savoie en duché et le fait ainsi duc.

Son éducation princière, en fit un grand lettré. Si Amédée a su se montrer vaillant au combat, on le surnommera toutefois « le Pacifique ». Ses devises : « la justice toujours doit fleurir », et, plus désireux de paix que de vengeance : « il vaut mieux vaincre ses ennemis par ses bienfaits plutôt que par l’épée ». Il fut considéré, tout au long de son ,  comme un fin diplomate et négociateur.

Son action politique fut telle que l’on qualifia son règne d’âge d’or de la Savoie qu’il put unifier du Léman à la Méditerranée, en acquérant notamment le comté de Genève. Afin d’harmoniser les multiples lois qui régissent le duché, il publie, en 1430, les Statuts de Savoie (Statuta Sabaudiae), une forme de constitution avant la lettre. Lassé du pouvoir et soucieux de sa vie spirituelle, il se retire en 1434 au château de Ripaille.

Las, en 1439 va se tenir le concile de Bâle où des cardinaux dissidents, en désaccord avec le pape Eugène IV qu’ils souhaitent le déposer et remplacer. Oui, mais par qui ? Sur le chemin de Bâle, ils font étape au château de Ripaille, reçus par Amédée. Leur hôte leur semble présenter le profil tout indiqué pour faire un bon pape ! Affaire conclue, Amédée deviendra Félix V et sera intronisé le 24 juillet 1440. Eugène IV se sauve sous les jets de pierres, en s'exilant le 4 mai 1434. Le pontificat de Félix V durera jusqu’au 7 avril 1449. Il y mettra fin volontairement après avoir fixé lui-même les conditions de son abdication. Il demeurera cardinal avec les fonctions de légat pour le duché de Savoie. Il cède sa tiare au successeur d’Eugène IV, le pape Nicolas V. Il devient en 1449 évêque de Genève et se retirera dans le prieuré créé par lui à Ripaille, à l’instar de Benoît XVI rejoignant le monastère Mater Ecclesiae au Vatican.

Il est important de noter que cet homme d’État, puis d’Église, fut un bibliophile passionné. Dans sa bibliothèque, sa librairie, disait-on à l’époque, figuraient, outre les ouvrages religieux et liturgiques, des livres de science, de géographie, de philosophie, ceux de Dante et des auteurs antiques. On pouvait même y voir les Très Riches Heures d

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